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De quoi doit-on dépendre ?

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L’anxiété, selon maître Dôgen, c’est la motivation fondamentale qui pousse l’homme à chercher l’illumination. Cette quête de l’illumination, selon le professeur Takeo Doi, n’est pas sans rapport avec cette dépendance. Comme la perception de cette indépendance de l’ego est désagréable, elle doit se dissoudre dans le sentiment de l’unité du moi et de l’autre, la réalité ultime. Faire ce choix de dépendre de la réalité ultime, à défaut de ne pouvoir s’affranchir de toutes dépendances, c’est le désir de l’esprit d’Eveil, qui ne prend forme que dans la vacuité même. Cette dépendance est obscure, elle contient toutefois des éléments de risque : l’illusion et le doute.


La liberté personnelle par l’indépendance de l’ego, voilà un des idéaux que l’Occident aimerait voir se répandre dans le monde, bien qu’il rencontre souvent des difficultés à gérer la situation que cela crée, et surtout à faire face à son esseulement. Il faut se faire à l’évidence, pour ne pas se sentir esseulé, il faut s’immerger dans la certitude du bien-fondé de ses valeurs et de sa permanence, chose à laquelle l’occidental d’aujourd’hui a de plus en plus de mal à se résoudre. Il commence même à redouter cette liberté excessive qu’il affectionne tant, d’où son anxiété.

Cette recherche soudaine d’une spiritualité autre, qui préconise le silence dans l’assise pour abolir cette image d’un moi, accablée d’angoisse, n’est elle pas sans rapport avec un besoin de dépendance (la quête d’indépendance de son ego semble démonter à l’occidental le fait qu’il ne puisse pas faire autrement que de dépendre de quelque chose) ? La majorité des gens (s’ils sont cohérents) admettent qu’ils dépendent soit de l’argent, soit de leur situation sociale et reconnaissent qu’en fin de compte ce ne sont que des ersatz. En réalité, ce qui importe est non pas de savoir s’il y a dépendance, mais de quoi est faite et de quelle forme revêt cette dépendance. Dès lors, la véritable question devrait être : de quoi doit-on dépendre ?

L’anxiété, selon maître Dôgen, c’est la motivation fondamentale qui pousse l’homme à chercher l’illumination. Cette quête de l’illumination, selon le professeur Takeo Doi, n’est pas sans rapport avec cette dépendance. Comme la perception de cette indépendance de l’ego est désagréable, elle doit se dissoudre dans le sentiment de l’unité du moi et de l’autre, la réalité ultime. Faire ce choix de dépendre de la réalité ultime, à défaut de ne pouvoir s’affranchir de toutes dépendances, c’est le désir de l’esprit d’Eveil, qui ne prend forme que dans la vacuité même. Cette dépendance est obscure, elle contient toutefois des éléments de risque : l’illusion et le doute.

Comment faire face à l’illusion et au doute ? L’illusion et le doute entraînent inévitablement l’erreur. Nous devrions chercher dans la simplicité du cœur et se protéger de nos erreurs par un solide enseignement transmis de maître à disciple. Les maîtres du passé se sont adonnés à l’exercice de la contemplation pour quitter l’univers du dispersé, ont su libérer leur esprit de toutes pensées ou conceptions encombrantes (mélasse mentale) et sont ainsi parvenus à la sérénité.

Certains diront à l’instar d’ Antonio Machado que : nul n’est besoin de chemin pour marcher, on trace sa route en avançant. Alors, pour quoi donc suivre l’exemple des maîtres ? Par expérience, c’est beaucoup plus simple et moins périlleux dans la nuit obscure de mettre ces pas dans les traces laissées par ceux qui nous ont précédés. Pourquoi s’en priver ? Par fierté ? Reconnaître que l’on ne puisse se passer de l’autre, c’est un besoin fondamental de l’homme et le début de son humanité par l’humilité.