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Zazen et douleur

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Il faut quitter tout groupe où la douleur d’autrui est traitée avec dédain. Un enseignement dédaigneux et un pratiquant obstiné, c’est dangereux.


Toute personne assise dans la posture de zazen, ressent à un moment donné des douleurs. Comme la faculté de ressentir la douleur est inégale chez les hommes, il est difficile de se contenter d’injonctions pour gérer cette problématique. Bien qu’il puisse y avoir encore des foyers de croyance attachés à l’idée d’une douleur rédemptrice ou salvatrice, il serait souhaitable que l’on puisse la gérer. Peut-on envisager y parvenir sans la compréhension du fait que la douleur trouve un sens dans ce rapport à la dignité et à l’intégrité de la personne et que tout ce qui pourrait soulager la douleur ne devrait pas être perçu comme méprisable ou interdit ? Il faut quitter tout groupe où la douleur d’autrui est traitée avec dédain. Un enseignement dédaigneux et un pratiquant obstiné, c’est dangereux.

Mais quand notre faculté à ressentir la douleur est grande, il est aussi important de régler ce problème que de désirer l’esprit d’éveil. Comment désirer l’esprit d’éveil quand on est dans un état où la douleur est devenue inacceptable pour soi ? Qui pourrait défendre l’idée que l’on puisse avoir un esprit clair dans un corps qui se plaint ? Toute personne qui débute et qui veut pratiquer zazen durant un temps assez long, devrait considérer avec intérêt ses douleurs et tout le processus pour les circonscrire, et cela devrait donner suite à une réflexion. Il est vrai aussi que ce qui prime, en général, chez un assez grand nombre de gens, c’est l’exigence que la douleur et la vue de la douleur leur soient épargnées ou que leur douleur leur donne le droit d’exiger de l’autre toute son attention. Faut-il espérer n’avoir jamais mal ou faut-il croire en une nécessité de la douleur pour être ? Il est possible de trouver la réponse dans les propos de S. Weil : – Ne pas chercher à ne pas souffrir ni à moins souffrir, mais à ne pas être altéré par la souffrance.
Ne pas être altéré par elle durant le zazen, ce n’est pas « ne pas bouger » dans le sens de ne jamais bouger à n’importe quel prix. Ne pas être altéré par elle, c’est aussi bouger si nécessaire, mais tout en restant tranquille. Pour Maître Dôgen, on ne devrait pas pratiquer pour que cela se traduise par une douleur physique. Ainsi, nous devrions pratiquer en évitant les traumatismes physiques. Alors, « ne pas bouger » peut prendre le sens de « ne vous préoccupez pas de votre degré d’endurance ou ne tombez pas dans la fosse aux lamentations, ne dérangez pas les autres en faisant du bruit et faites attention à la manière dont votre esprit obstiné peut prendre le dessus. »

Ce fameux Shikantaza pourrait, pour une fois, se traduire par : « Soyez à votre aise et ne faites surtout rien, sachez où est votre limite et ne forcez pas. » En conclusion, méditer sur les propos de S.Weil : – L’usage principal de la douleur …/… est de m’apprendre que je ne suis rien.