You are currently viewing Ju undo shiki (Règles pour la carrée des moines)

Ju undo shiki (Règles pour la carrée des moines)

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Post category:Règles

L’enseignement de Maître Dôgen ne s’adresse pas qu’aux nonnes et aux moines, mais aussi aux laïcs. N’allez pas croire qu’il soit plus aisé de suivre des règles parce que l’on est dans les ordres. Autant nous sommes pourvus d’une nature de Bouddha (ce qui reste encore à démontrer), autant nous sommes achalandés d’un ego. Un ego qui n’a pas été tempéré ne fait aucune discrimination, il nous mène tous par notre anneau nasal.


I

Seule une personne en quête de la Voie qui a pu mettre de côté son désir de reconnaissance et sa volonté de réaliser quelque profit, peut entrer en ce lieu. Celle qui n’est pas sincère ne devrait pas y être admise. Si par erreur elle a pu l’être, après avoir pris acte des faits, nous devrions lui suggérer et lui permettre de s’en aller. Ne l’oublions jamais, dès qu’apparaît subrepticement la quête de la Voie, le désir de reconnaissance et de profit se modère. En vérité, dans tous les mondes , il y a très peu d’exemples d’une véritable transmission du Dharma. Il serait temps qu’elle prenne racine dans ce pays.

Le fait d’éprouver de la compassion pour les générations futures devrait nous faire prendre conscience du présent et de ne pas s’encombrer des péripéties du passé.

II

Il est demandé aux moines de s’aider mutuellement pour vivre en harmonie – comme le lait se mélange à l’eau – sans réticence et faire en sorte que chacun puisse exprimer ce qu’il a de meilleur en lui. Pour le moment, nous sommes soit de simples moines, soit des responsables, mais dans le futur nous serons tous des Patriarches. Bien que maintenant il nous soit possible de faire des rencontres qui nous semblaient inespérées, et pratiquer ce qui nous semblait du domaine de l’impossible, nous devrions malgré tout rester intègre. Cette intégrité qui est désignée par le corps et l’esprit des anciens bouddhas conduit assurément à l’attitude comparable à celle du Bouddha et celle des Patriarches. Nous avons déjà quitté notre pays et nos familles pour nous en remettre aux NUAGES et aux RIVIERES . Les membres de la communauté veillent au bien-être physique, moral et spirituel de chacun, aussi bien qu’une mère et qu’un père. Mais ces derniers ne sont des parents que pour une courte période, celle comprise entre la vie et la mort, et chacun des membres de la communauté sera un ami de la Voie pour l’éternité.

III

Il est recommandé de ne pas constamment s’absenter. Si nous y sommes contraints, il nous est permis de le faire une fois par mois. Les gens d’autrefois vivaient retirés dans la montagne ou pratiquaient en des forêts reculées, loin de toute mondanité et de toutes les vicissitudes de l’existence humaine. Faisons nôtre cet état d’esprit en mettant nos pas dans les pas des anciens . Il y a urgence à pratiquer, comme s’il fallait nous soustraire d’un feu qui brûlerait sur nos têtes. Il est difficile de se fier à ce qui est transitoire, nous ne pouvons prévoir ni l’heure, ni l’endroit où notre vie touchera à sa fin . Comment pouvons-nous encore perdre notre temps dans des frivolités ? C’est lamentable.

IV

Dans le dojo, ne lisons aucun texte, même un traité sur le zen. L’endroit est dévolu à la pratique de la Voie uniquement. Il y a d’autres lieux plus adéquats pour se cultiver en approfondissant les enseignements des anciens. Immergeons-nous totalement dans la pratique sans mollir un seul instant.

V

Prenons pour habitude de tenir informé le supérieur des moines de nos allées et venues à tout instant du jour ou de la nuit. Ne pouvant prévoir la fin de notre vie, il serait regrettable qu’elle survienne durant une virée inutile. N’agissons pas selon notre bon vouloir, cela serait enfreindre les règles de la communauté.

VI

Évitons de critiquer et de mépriser les autres pour leurs erreurs. À ce sujet, un ancien disait : «Lorsque vous ne percevez plus les défauts d’autrui pour mettre en valeur vos qualités, vous serez appréciés par vos doyens et vous aurez le respect de vos cadets.» Aussi, évitons de prendre pour exemple ceux qui commettent des erreurs, développons plutôt nos propres prédispositions au bien.

L’enseignement du Bouddha nous met en garde contre nos propres égarements, mais il nous importe de ne pas mépriser les autres pour ce qu’ils ont pu faire.

VII

Au sujet de nos desseins, grands ou petits, faisons en sorte qu’il ne soit rien entrepris avant que le supérieur des moines n’ait été avisé. Ceux qui agissent à leur guise seront exclus. Sans ce respect de la hiérarchie, il est difficile de faire la part du vrai et du faux.

VIII

Le supérieur des moines veillera à ce qu’il n’y ait pas de réunions et de discussions bruyantes aux alentours ou dans le dojo.

IX

Il est recommandé de ne pas entrer ou sortir du dojo les bras ballants, d’avoir des chapelets, de pratiquer des processions, de chanter ou de réciter des soûtras, à moins qu’un donateur laïc ne nous l’ait demandé. Il n’est pas convenable, dans ce lieu, de se moucher ou de cracher bruyamment, comme d’y venir avec une forte odeur de transpiration ou une mauvaise haleine . Ce comportement rustre est affligeant. Prenons conscience que la vie nous file entre les doigts et nous dépouille du peu de temps qui nous reste pour pratiquer la Voie.

X

Il n’est nullement nécessaire de se vêtir avec des habits fastueux, une simple cotonnade suffit . Tous ceux qui ont recherché la Voie ont fait ainsi.

XI

L’entrée du dojo est interdite aux personnes sous l’emprise de l’alcool. Toutefois, s’il arrivait par erreur ou par distraction qu’une personne ivre entre dans le dojo ou qu’elle introduise de l’alcool, elle devrait se prosterner et faire repentance.

XII

Si, dans le dojo, deux personnes venaient à se quereller, il leur sera demandé de quitter les lieux, car en agissant ainsi, elles font obstacle au bon déroulement de la pratique. Celles qui ont assisté à la naissance d’une dispute et qui n’ont rien fait pour la circonscrire auront le même traitement.

XIII

Quiconque ne respecterait pas les règles d’usage sera exclu par tous les moines et de même celui qui aura un mouvement d’inclination pour ce type d’individu et pour ce genre d’attitude.

XIV

Ne perturbons pas la sérénité de la communauté en invitant des laïcs ou des moines étrangers à la communauté. Si nous avons un entretien avec un visiteur à l’abord du dojo, efforçons-nous de parler à voix basse. Évitons de penser par orgueil aux offrandes que notre pratique nous permettrait d’espérer recevoir. Les requérants qui souhaitent se joindre à la communauté peuvent entrer pour visiter les lieux et faire des prosternations, bien qu’il faille prévenir au préalable le supérieur des moines.

XV

Zazen se pratique dans le dojo . Matin et soir, soyons assidus aux enseignements formels ou informels qui nous sont transmis.

XVI

Lors de la guen mai (gruau de riz) du matin ou du déjeuner, s’il arrivait à qui que ce soit de laisser tomber sur le sol un de ses oryoki (couverts composés de trois à quatre bols), selon les règles monastiques, pour faire pénitence il fera brûler durant un jour entier une lampe à huile.

XVI

Bouddha et les Patriarches nous ont laissé les préceptes et c’est à nous de les protéger avec fermeté dans notre chair et dans notre esprit. Nous devrions faire en sorte que toute notre vie consacrée à la pratique soit paisible et que notre quête de la Voie s’accomplisse sans aucun obstacle. Ces quelques règles sont le corps et l’esprit des vieux Bouddhas patriarches. Elles méritent que nous les observions et les respections.

Maître Dôgen, fondateur du Kannon-dori-kosho-goroku-ji, le 25 avril 1239.