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Fatigue et douleur

Fatigue et douleur sont l’expression de la présence d’un corps et d’un mental que l’on a sollicité parfois sans ménagement. Maître Nan Huai-chin disait que ceux qui ne sont pas à même de gérer cette douleur ont été mal enseignés.


Une grande majorité des pratiquants Occidentaux (les débutants comme ceux qui sont accoutumés aux sesshin) sont confrontés à la douleur. La plupart viennent à la pratique sur le tard et essaient d’apprivoiser une posture qui ne leur est pas coutumière. Ainsi, la fatigue comme la douleur ne peuvent être totalement évitées, sauf exception. Fatigue et douleur sont l’expression de la présence d’un corps et d’un mental que l’on a sollicité parfois sans ménagement. Maître Nan Huai-chin disait que, «ceux qui ne sont pas à même de gérer cette douleur ont été mal enseignés.» En règle générale, on aimerait pouvoir annihiler toute forme de douleur, si on se réfère à Diderot qui disait : «chaque homme cherche d’abord son plaisir et cherche à éviter la douleur», se soucier de ne pas avoir mal semblerait légitime. Alors pour s’y soustraire, on se livre à une bataille, au lieu de se préoccuper de savoir s’il est possible d’être à son aise même s’il y a douleur. Envisager cette éventualité demande que l’expérience que l’on ait pu faire dans certains groupes oeuvrant dans un bricolage à l’occidentale de l’approche japonaise, ne devienne pas la référence et qu’il puisse y avoir d’autres solutions. Si l’appréciation de la douleur est à la fois culturelle et individuelle et que nous entretenons avec elle une relation unique sans aucune référence que celle de notre expérience, la solution ne peut qu’être originale. Nous n’avons ici pas le temps de faire un travail comparatif entre l’appréciation orientale de la douleur et l’évaluation occidentale. L’espace et le temps de profonde méditation sont trop fugaces pour s’adonner à une approche purement intellectuelle, sauf si l’on veut démontrer combien coûte le fait de laisser à autrui la gestion de sa douleur physique ou morale.

Lorsque l’on se fourvoie dans la Voie en ayant pour objectif (s’il y en a un) non le maintien de l’esprit d’éveil, mais l’obtention du samadhi, de l’éveil, de l’apaisement et de la tranquillité pour être perçu (autant par soi-même que par les autres) comme un être doté de pouvoirs, alors la douleur devient un problème épineux contrecarrant tout progrès (voir les cinq empêchements).

Aménager les séances de pratique pour atténuer la douleur ne suffit pas. C’est peut être la raison de l’inévitable échec dans certains dojos, car il n’est pas tenu compte de ce paramètre (fatigue, douleur) et du fait qu’il soit indispensable de cohabiter avec elles pour éviter d’user de la violence contre soi-même.

Cohabiter avec sa douleur, ce n’est sûrement pas la fuir en usant de stratagèmes ou de dérivatifs, c’est admettre, pour la comprendre, qu’il y a douleur – en connaissant ses raisons et ses limites – et qu’il faut prendre les dispositions nécessaires.