You are currently viewing L’esprit religieux

L’esprit religieux

Doit-il se cantonner à une sorte d’éveilleur de consciences, à l’envie d’agir ou à une disposition à la solidarité – don et contre-don ?


Vouloir cheminer sur la voie du Bodhisattva, c’est un état d’esprit plus qu’un simple souhait pour que s’accomplisse quelque chose. Mais à quel état d’esprit se réfère-t-on ? – A l’état d’esprit religieux comme le définit Russell : « un engagement à vouloir diminuer les souffrances et un espoir certain en l’avenir ». Un engagement pris envers soi-même en ne comptant pas sur la prédiction ou sur le miracle.

L’engagement voilà aussi un bien joli mot. Mais que présuppose-t-il ? – Que seuls nos actes justes, nos conduites effectives nous engagent, pas nos idées et encore moins nos sentiments. Succinctement, en le rendant séculier – l’immersion dans le monde et hors du champ conceptuel -, l’engagement prend forme en un vouloir-être juste et qu’il soit de même pour tous les autres. Ainsi, l’homme qui prendrait cet engagement ne peut se limiter à lui-même et à son intérêt. Ce qui voudrait dire qu’il s’abstient de tous actes qui seraient motivés par le désir de se voir grandi et reconnu comme une exception. Il n’est pas Bodhisattva parce qu’il y a souffrance. Il est, parce que c’est dans la nature originelle de l’homme d’œuvrer avec bonté – à proportion de sa perfection bien entendu. Ce qui est, par lui, n’est que la réactualisation de ce fait, et son désir de renaître n’est rien d’autre que vouloir que si tous les possibles prétendant à l’existence sous toutes formes perdurent, alors une expression tangible de la bonté se doit de perdurer aussi. Doit-il se cantonner à une sorte d’éveilleur de consciences, à l’envie d’agir ou à une disposition à la solidarité – don et contre-don ? Celui qui fait le choix d’œuvrer pour le bien de tous les êtres s’engage où il se trouve et avec les moyens qu’il a, tout en sachant que la souffrance ne dépend pas que de la réalité objective d’une situation ou des moyens que l’on suppose juste pour l’éradiquer. Il ne s’agit pas d’afficher son “savoir faire”, mélange de qualifications techniques et de psychologie facile, ou d’œuvrer en faisant de l’autre son faire-valoir, mais de considérer la valeur de tout être sensible sans prix donné et bien même s’il est malhonnête et pire encore.

Finalement, il se doit d’agir raisonnablement. Une connaissance du monde, donc de soi–même – en termes de limite – et d’autrui, est nécessaire. Ce n’est rien d’autre que se laisser porter par la sagesse du cœur. C’est aussi acter sans perdre de vue que même l’esprit religieux – comme préalablement défini – peut être mis au service de causes mauvaises. La juste bonté dépend de la rectitude de nos intentions et ce qui donne du sens à nos actes est l’identification de soi-même à sa vraie nature. Cette nature est bonté, celle qui désire donner et recevoir plutôt qu’obtenir. Puis comme maître Dôgen disait à ses disciple :-Certains abuseront de votre confiance, laissez-les donc faire. Ce sont de pauvres êtres, ils ne savent pas ce qu’ils font.