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Se donner une structure pour pratiquer correctement zazen

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  • Post category:Kusen

Laisser toutes ses idées préconçues au vestiaire. Se dénuder totalement pour revêtir un kimono, se débarrasser de ses oripeaux.


Pour les débutants, la pratique de zazen passe par l’apprentissage de la posture, qui peut, au début, être un peu contraignant. Il est important de pouvoir s’en libérer le plus tôt possible pour pénétrer dans la tranquillité de l’esprit.

Étirez bien la colonne vertébrale, c’est important. Cette rectitude du dos n’est pas donnée par la contrainte, mais par l’abandon de ses opinons personnelles, c’est-à-dire : « moi je sais, j’ai déjà pratiqué, mon dos est merveilleux parce que chez moi je me regarde dans la glace. » C’est alors simplement suivre les instructions, en étant totalement détaché. Et naturellement, le dos entre dans sa rectitude. Bien tendre la nuque, rentrer le menton, bien détendre ses épaules en les ramenant légèrement vers l’arrière pour dégager la cage thoracique, basculer le bassin vers l’avant et prendre appui sur le sol avec détermination. Bien dégager le ventre, le regard est posé devant soi à 45°, il n’est fixé sur rien du tout, les yeux sont mi-clos. Si votre tête est bien posée, il est facile d’avoir les yeux mi-clos. Decrisper votre mâchoire. À l’intérieur de votre bouche doit se former une cavité souple et la pointe de la langue vient se poser sur la racine des dents supérieures. Naturellement, vous avez l’impression de sur-saliver, alors qu’en réalité c’est la quantité naturelle pour le bon fonctionnement du corps. Lorsque vous inspirez, faites-le profondément en maintenant la sangle abdominale, ce qui reviendrait à exercer sur votre ventre la même pression que la fermière qui ramasserait un petit poussin : vous avez le poussin dans la main et vous exercez juste la pression nécessaire pour qu’il soit maintenu. Inspirez profondément en ressentant l’air qui pénètre par vos narines. Et au moment de l’expire, faites-le en allant jusqu’au bout, afin que l’acte d’inspirer soit provoqué naturellement par le corps et non plus par la volonté. La posture n’est pas forcément une pose académique. Au travers de ces principes, la posture permet de cheminer à l’intérieur de son propre corps dans une liberté, sans pour autant le contraindre, mais en connaissant profondément ses limites, qui ne sont pas forcément les limites de l’individu qui dit, je crois, je pense que…

Au début de la semaine, j’ai commencé à expliquer le Gakudo-Yojinshu, littéralement :  » faire en sorte de faire naître en nous l’esprit d’Eveil  » écrit par Maître Dogen (1200-1253) qui devait alors structurer sa mission. Avec ce texte comme guide, nous allons donner aussi un cadre au dojo. Revoyons les trois points qui me semblent pour l’instant essentiels.

Le premier point est que pratiquer zazen, c’est laisser toutes ses idées préconçues au vestiaire, c’est se dénuder totalement pour revêtir un kimono, se débarrasser de ses oripeaux. Quand on dit “abandonner ses opinions personnelles”, ce n’est pas dire, « je n’ai pas d’opinion”, mais c’est enlever ses défenses qui nous font oublier d’entendre, à fortiori oublier d’écouter. Zazen ce n’est pas le néant, ce n’est pas professer l’abandon total de soi qui amènerait à la manipulation de l’être humain, mais au contraire, c’est abandonner ce qui est à l’origine de nos souffrances, pour pénétrer ce soi véritable qui nous amène vers la libération. C’est la structure, l’ego originel.

Le deuxième point qui a été soulevé mardi et jeudi, est que la pratique de zazen ne peut être entreprise avec un esprit d’obtention. Cela se produit quand l’ego ordinaire n’est pas encore perçu comme vacuité, mais qui se voit comme cadre dynamique, père de famille faisant du vélo, mère de famille voulant se libérer, qui ne perçoit pas qu’il possède toutes les qualités de la nature de Bouddha. Cet ego-là ne peut pas venir faire zazen dans l’esprit du détachement ou de l’humilité, il vient pour acquérir quelque chose, ne serait-ce que sous prétexte d’aller mieux. Un jour, quelqu’un m’a posé la question : “comment se fait-il qu’il est difficile d’avoir une Sangha qui fonctionne correctement ?”. Je lui ai répondu : « Naturellement lorsque l’on débute, on passe par une phase de cannibalisme. Il faut du temps pour comprendre que pratiquer zazen, c’est simplement s’asseoir sur son zafu, avoir confiance et la foi en cela. C’est seulement inspirer et expirer profondément ».

Le troisième point est que la pratique de zazen ne peut être entreprise qu’au sein d’une communauté où l’enseignement est donné par un véritable Maître. Mais si vous venez avec cet esprit-là, celui de vouloir pratiquer uniquement avec un Maître – le bon – ou pour mon bon Maître, vous perdez votre temps. Eno, le sixième Patriarche, disait en résumé : “vous risquez de participer toute votre vie à cette quête – du bon Maître – et vous ne trouverez pas. Car ceci est difficile, et parce que cela dépend de votre propre esprit, de votre faculté de jugement et alors vous ne pratiquerez jamais”. En résumé, soyons réalistes et ayons du discernement lorsque nous pratiquons zazen.